Le général Moussa Fall, ancien Haut commandant de la gendarmerie sénégalaise, se trouve au cœur d’une affaire judiciaire de grande ampleur, avec une double plainte déposée à son encontre par l'ex-commandant du deuxième escadron de la garde présidentielle, Ibrahima Diagne. Cette plainte, qui a fait l'objet d'une publication dans le quotidien L'Observateur et repris par seneweb, dénonce plusieurs faits graves, notamment des accusations de kidnapping, harcèlement, tortures, ainsi que des irrégularités dans la procédure disciplinaire qui a conduit à la radiation et à l’emprisonnement de l’ex-gendarme.
Un dossier explosif
Ibrahima Diagne, actuellement incarcéré à la prison de Rebeuss pour complot contre l’autorité de l'État et atteinte à l’autorité militaire sous le régime de Macky Sall, accuse le général Moussa Fall d’être l'instigateur de son arrestation et de son traitement brutal, notamment lors de son interpellation musclée en février dernier à Mandégane, en Casamance. Le plaignant affirme que la procédure ayant conduit à sa radiation de la gendarmerie et à son emprisonnement était entachée d’irrégularités flagrantes.
Selon L'Observateur, Ibrahima Diagne met également en cause le commandant de la Section de recherches de Ziguinchor, et d'autres gendarmes, dont les noms restent encore confidentiels à ce stade de l’enquête préliminaire. Ces accusations ont été portées à la connaissance des autorités judiciaires après une audition de Diagne, sur ordre du procureur de la République près le tribunal hors classe de grande instance de Dakar. La plainte a été déposée en prison le 21 novembre 2024, par l'intermédiaire de l'administration pénitentiaire.
Les tortures et les abus allégués
Dans son récit, Ibrahima Diagne détaille les violences qu’il aurait subies lors de son transport de la Casamance vers Dakar, où il aurait été contraint de rester dans une position inconfortable pendant plusieurs heures, privé de nourriture, d'eau et même de la possibilité d'uriner. Selon ses déclarations, les membres de l'escadron qui l’accompagnaient ont refusé de lui accorder ces besoins essentiels durant tout le trajet. À son arrivée à la Section de recherches de Dakar, Diagne affirme qu’on lui a également refusé l’accès à un médecin pour soigner ses blessures.
"Je suis resté plusieurs jours sans pouvoir me laver ni prier à cause de la douleur et des blessures infligées", a-t-il expliqué, précisant que les conditions de détention étaient particulièrement cruelles et inhumaines. Il assure que ces sévices peuvent être corroborés par les autres détenus de la prison de Rebeuss et ses voisins de cellule.
Un complot qu’il dénonce
Ibrahima Diagne estime que les accusations portées contre lui, notamment celle de vol de 800 000 francs CFA qui l'a conduit à sa première incarcération en 2022, sont sans fondement et relèvent d’un complot ourdi par le général Moussa Fall. Selon le plaignant, cette affaire visait à l'écarter de son poste et à nuire à sa réputation.
Diagne a passé deux séjours en prison. Le premier, au Cap Manuel, où il aurait été détenu pour un crime qu’il juge monté de toutes pièces. Là, il affirme avoir partagé sa cellule avec le Président Diomaye Faye, arrêté en 2023, et avoir été sous la pression d’un système qui l’aurait manipulé. Libéré grâce à une grâce présidentielle en janvier 2024, il n’a toutefois pas échappé à un second emprisonnement à Rebeuss, un mois plus tard, après son arrestation en Casamance.
Quelques jours après sa sortie de prison, Ibrahima Diagne aurait reçu un appel du général Moussa Fall via un numéro masqué. Le général lui aurait alors révélé qu’il savait qu’il avait partagé une cellule avec le Président Diomaye Faye et qu’il le suivrait « partout où [il] serait ». Cette menace, selon Diagne, aurait été à l'origine de son arrestation en février 2024, lors de laquelle il affirme avoir subi de sévères violences physiques.
L’enquête en cours
L'enquête a été lancée après la plainte déposée par Diagne et a été confiée au procureur de la République près le tribunal hors classe de grande instance de Dakar. Selon les informations rapportées par L'Observateur, le dossier fait grand bruit au sein des institutions sénégalaises, en raison des accusations graves de torture et de harcèlement, ainsi que du contexte politique et militaire dans lequel cette affaire s’inscrit. Les autorités judiciaires n’ont pas encore réagi officiellement, mais le suivi de cette plainte pourrait déboucher sur des révélations importantes concernant le fonctionnement de l'institution militaire et les relations internes au sein de la gendarmerie.
Le général Moussa Fall, une figure de proue de l’ancienne hiérarchie de la gendarmerie sénégalaise, se retrouve donc dans une position délicate face à ces accusations. Si l’enquête conforte les allégations d’Ibrahima Diagne, cette affaire pourrait avoir des répercussions considérables sur la crédibilité et l’image de l'institution militaire au Sénégal. La suite de la procédure judiciaire s'annonce donc très suivie, à la fois par le public et les autorités, dans un contexte où les tensions au sein des forces de sécurité et les relations avec l'État sont déjà sous les projecteurs.
baoltimesnews : MTN