Kamb Souff à Diourbel, vers une réhabilitation tant attendue :

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Le site de Kamb souff vu naguère comme un paradis du maraichage, les Niayes de Diourbel a connu une dégradation polémique et progressive sous les regards impuissants des baol baols. En effet, de poumon vert, agricole, maraicher à bombe écologique, Kamb souff n’a pas cessé d’attirer l’attention sur lui. Après des décennies de polémiques attentistes alors que la dégradation des lieux se précisait, la carrière de Kamb souff connait, aujourd’hui, une décision déterminée quant à sa réhabilitation. La direction de contrôle et de surveillance des opérations minières (DCSOM) vient d’approuver son plan de réhabilitation après maintes études et propositions dont celle du cabinet d’étude HARMONY GROUP en charge des études de la réhabilitation. En fait, cette réhabilitation entre dans la politique de réhabilitation des sites miniers et de carrières promue par les mines.

Situé dans la partie Sud-Ouest de la commune de Diourbel, Kamb Souff est de plus en plus abandonné par les maraîchers chassés par des conditions ingrates. Il renvoie à des dunes qui entretenaient des centaines de ménages. Sur le plan hydrogéologique, la zone appartient à l’ancien lit de la vallée morte du Sine. Au début des années 80, la nature géologique de la zone, constituée de terrains sédimentaires, a été à l’origine de sa transformation en carrières d’extraction de sable destinée à la construction. Son sable fin,
malaxé avec le ciment, est très prisé dans la construction.

Les carrières de Kamb souff à Diourbel furent un paradis du maraichage qui alimentait la région et exportait ses produits d’où le marché dit Ndiaréme à Dakar. Salade, concombre, betterave, nana, choux, piment, tomate, tant d’autres légumes et de fruits…sont autant de produits dont s’y approvisionnaient à bon prix les baol baols et autres commerçants exportateurs. Toutefois, envahi par les eaux polluées d’acide caustique de la SEIB, sans compter avec l’érosion, la dépression dunaire avec, notamment, l’action humaine de déforestation et de prélèvement de sable, mais la sécheresse qui salinise les sols ; Kamb souff n’est plus que l’ombre de lui-même.

Kamb Souff avait connu un regain d’intérêt au début des années 80. En effet, de nombreux maraîchers de la commune de Diourbel, confrontés à une sécheresse qui a asséché les bassins d’eaux se sont redéployés dans la zone où des puits d’eaux douces qui alimentaient aussi les maisons étaient creusés.
Ainsi, les dépressions de la carrière abandonnée ont été morcelées en parcelles destinées au maraîchage qui est resté longtemps florissant. Cependant, l’installation de l’usine de la Sonacos, à côté du site, a contribué à la dégradation de l’environnement. « En effet, les rejets industriels de l’usine constitués entre autres d’eaux usées sont une source de pollution de l’environnement, donc une menace pour les activités de maraîchage et même pour la faune. Les activités de maraîchage sont aujourd’hui en sursis », regrette-t-il.
on (badiallo@lequotidien.sn).

C’est en 1980 que l’ex Société des établissements industriels du Baol (SEIB) a été transférée sur son actuel site à proximité de la zone de Kamb Souff. Déjà, lorsqu’elle était située au centre de la commune de Diourbel, le rejet des eaux usées de l’usine avait créé un lac artificiel fortement pollué. Du reste, les activités de maraîchage qui se pratiquaient dans la vallée du Sine ont été fortement affectées. Elles ont fini
par disparaître complètement.

Ainsi, c’est le même schéma de pollution que l’usine est en train de reproduire dans la zone de Kamb Souff. La source de pollution se trouve dans les rejets industriels contenus dans les eaux que l’usine rejette régulièrement. Pourtant, pour contenir les eaux usées, l’usine de la Sonacos a créé une digue aux abords de l’usine. Mais les fortes précipitations augmentent régulièrement le niveau des eaux « stockées » que la digue ne peut plus contenir. Ainsi les responsables de la société, afin d’éviter l’envahissement de l’usine ouvrent des brèches sur la digue, les eaux polluées ainsi libérées se déversent dans les parcelles de maraîchage. C’est en 1983, soit trois ans après le transfert de l’usine que l’on a noté le premier envahissement des eaux polluées de l’usine au niveau de Kamb Souff. Depuis lors, la zone est
régulièrement envahie par les eaux polluées de la Sonacos.

Les dégâts, causés par les eaux polluées, sont visibles sur le terrain. Des parcelles sont compétemment ensevelies. Des puits ont été détruits de même que de nombreux arbres fruitiers comme les papayers. Très stoïques, les maraîchers attendaient que les eaux polluées se retirent pour déblayer les parcelles et continuer ainsi leurs activités. Mais de plus en plus, les eaux sont annuelles. Beaucoup d’abandons ont été notés chez les maraîchers. La production et les rendements ont fortement chuté. Au mois de Mai, la forte
chaleur et l’évaporation font remonter l’acide caustique à la surface détruisant ainsi les plants.
Pratiquement, pendant les mois qui correspondent à la forte canicule, les activités de maraîchage tournent au ralenti.
Pour la constatation des pollutions des périmètres maraîchers de Kamb souff inondés par les eaux résiduaires de la SEIB ; l’ONG environnementale, Baol environnement de même que beaucoup d’activistes environnementaux avaient tiré sur la sonnette d’alarme. En collaboration avec la Direction des Bassins de rétention, une mission d’étude conjointe pour l’analyse des sols pollués s’y était rendue pour procéder à des analyses. Autant d’acteurs privés et publics se sont impliqués pour sa réhabilitation qui n’a fait que tarder.

Pendant longtemps en léthargie, faute d’appui et de politique concrète à sa restauration, la sécheresse et les autres formes de dégradations ont beaucoup contribué à la chute du secteur maraicher qui tente de résister tant bien que mal. Grandeur et décadence d’un secteur qui faisait la fierté d’une localité. Ainsi, Kamb souff se rétrécit offrant un paysage déprimé où meurt la faune surtout les oiseaux migrateurs
empoisonnés par les eaux polluées par l’acide caustique de la Sonacos. Des lacs d’eaux annuels restent inutilisés. Les rares téméraires qui cultivaient sur les bordures en contre saison dont ce jeune de Tawfékh tenant une parcelle de navet, avouent que l’eau est salée et polluée. Et plus qu’on avance dans la saison sèche plus le sel et l’acide caustique affleurent ne permettant pas la poursuite des cultures. Autre usage
plus réussi est celui de parcours sportif : jeunes, personnes âgées, sportifs des ASC, lutteurs… profitent du microclimat offert par les lacs d’eaux annuels pour se maintenir en forme.

Pour sa réhabilitation, de nombreuses propositions ont été faites d’où un ancien gouverneur parlait d’en faire une zone de captage des eaux de pluies de Diourbel : « Kamb Souff, qui est une zone de captage naturelle de 21 hectares, peut contenir toutes les eaux de Diourbel ». Ce qui rejoignait le projet municipal d’évacuer toutes les eaux de pluie vers kamb souff. D’autres pensaient y faire aussi un parc pour les
oiseaux migrateurs, les hérons, notamment. Aujourd’hui, certains pensent en faire un parcours sportif bien structuré, d’autres un bassin piscicole, d’autres encore un bassin agricole, alors que pour certains le site pouvait être simplement un dépotoir d’ordures.

Qu’à cela ne tienne, toute réhabilitation devra s’accompagner d’un respect de l’environnement par la SEIB. C’est ainsi que dans le cadre de la mise en œuvre du projet Veille et alerte environnementales, le consortium «Agir maintenant», composé de la Raddho et de Baol Environnement prévient, de l’avis de Mamadou Khouma, le chargé de la formation : «Les responsables de l’usine doivent être contraints à
respecter les normes de rejets industriels, une des dispositions du Code de l’environnement, à défaut de ne plus rejeter les déchets industriels dans la nature ; la station d’épuration doit être fonctionnelle…». Car si la source de pollution n’est pas maîtrisée ou éradiquée en amont, c’est-à-dire au niveau de l’usine, tous les programmes de réhabilitation des sols de Kamb Souff risquent d’être voués à l’échec

Aujourd’hui, à la suite des enquêtes auprès de la population locale et des études effectuées, les mines ont opté pour faire de Kamb souff à la fois un bassin agricole, piscicole et un parcours sportif. Des réalisations bienvenues et attendues par les baol baols avec impatience.
Moise Kant, doctorant

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