À 77 ans, Denis Sassou Nguesso, qui cumule 36 ans à la tête du Congo-Brazzaville, espère être réélu dès le premier tour de la présidentielle dimanche. Des membres de la société civile émettent de "sérieuses réserves" sur la transparence du scrutin.
Il avait été réélu au premier tour en 2016 et compte bien rééditer l’exploit. Le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, 77 ans, espère à nouveau réaliser un "coup KO", comme le proclament ses affiches, en obtenant la majorité des suffrages lors du scrutin présidentiel de dimanche
Il y a cinq ans, la victoire du candidat du Parti congolais du travail (PCT) face à ses six rivaux avait entraîné un conflit meurtrier.
Frédéric Bintsamou, plus connu sous le nom de pasteur Ntumi, 56 ans, avait pris les armes dans la région du Pool (sud) après la réélection contestée du président en mars 2016. Les forces régulières avaient contre-attaqué dans un conflit à huis clos qui avait déplacé 140 000 personnes, selon des sources humanitaires.
Les autorités avaient annoncé un cessez-le-feu juste avant Noël 2017.
Le climat paraît moins lourd aujourd’hui. Il y a quelques jours, Frédéric Bintsamou a estimé que l'élection "ne doit pas être l'occasion de réveiller les vieux démons de la division".
La "galère" plutôt que la "guerre"
Pour Mariela, une lycéenne de Pointe-Noire, la capitale économique, le calcul est vite fait : "Même s'il y a la galère, il n'y a pas la guerre comme dans les autres pays. Vaut mieux rester avec Sassou qui nous met la paix dans le pays, au moins, ça c'est bon."
La "galère" et les questions économiques hantent les esprits des électeurs dans ce pays pétrolier de cinq millions d'habitants qui anticipait un recul de 9 % de son PIB avec le Covid-19.
Avant même la crise sanitaire, le PIB par habitant plafonnait à 2 279 dollars en 2019, contre 3 922 dollars en 2012 à l'époque de l'euphorie pétrolière, selon la Banque mondiale.
Face à l'impasse du tout-pétrole, Denis Sassou Nguesso a dit placer la jeunesse et le développement de l'agriculture au cœur de sa campagne, jugeant "honteux" que le pays importe l'essentiel de ce qu'il consomme.
"Le président reconnaît d'une certaine façon son propre échec", cingle l'activiste Franck Nzila.
La transparence du scrutin en doute
Les deux principaux rivaux du président sortant sont deux anciens ministres passés à l'opposition, Guy-Brice Parfait Kolélas et Mathias Dzon.
Arrivé deuxième il y a cinq ans, Guy-Brice Parfait Kolélas s'est engagé à libérer les deux candidats de 2016 condamnés en 2018 à 20 ans de prison pour "atteinte à la sûreté de l'État", le général Jean-Marie Mokoko et André Okombi Salissa.
Dans le bastion de Guy-Brice Parfait Kolélas, la région du Pool, un homme soupire en attendant pendant des heures un train de marchandises pour parcourir 18 km. "Nous voulons le changement. J'ai 51 ans. Quand (le président) est arrivé au pouvoir, j'avais dix ans."
La conférence épiscopale a déjà émis de "sérieuses réserves" sur la transparence du scrutin. L'Église catholique, qui s'est vu refuser l'accréditation de ses observateurs, redoute une coupure Internet dès dimanche, comme en 2016.
La conférence épiscopale veut cependant tester une application pour ordinateur et smartphone qui doit permettre de télécharger les procès-verbaux de tous les bureaux de vote pour avoir une idée en temps réel de la vérité des urnes – sauf en cas de coupure Internet.
La France interpellée
Le résumé de la semaine
France 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine
Je m'abonne
Autres inquiétudes : les autorités ont refusé d'accréditer une journaliste de Radio France Internationale (RFI), et un activiste des droits humains de 77 ans a été arrêté quelques jours avant le vote, pour atteinte à la sécurité de l'État.
Comme à chaque élection en Afrique centrale, des voix interpellent la France, ancienne puissance coloniale et principal bailleur. "La République du Congo, comme la diplomatie française, doit renouer avec la démocratie", a écrit un collectif d'activistes français et congolais dans une tribune publiée par Le Monde. "Nous appelons la France à condamner la dégradation préélectorale du climat politique et civique", ajoutent les signataires.
Le président Sassou Nguesso a pris le pouvoir en 1979. Il a été battu lors des premières élections pluralistes de 1992 par Pascal Lissouba. Mais ce très rare exemple d'alternance pacifique en Afrique centrale a pris fin en 1997 avec le retour au pouvoir de Denis Sassou Nguesso, après une guerre civile avec les forces de Pascal Lissouba. En 2015, le chef de l'État a fait sauter le verrou constitutionnel qui limitait à deux le nombre de mandats présidentiels.
Depuis des années, le pouvoir congolais est au cœur d'une enquête retentissante en France. En 2017, des proches du président Sassou Nguesso y ont été mis en examen pour "blanchiment de détournement de fonds publics" dans l'affaire dite des "biens mal acquis", qui vise également les familles au pouvoir au Gabon et en Guinée équatoriale.
Avec AFP
- Se connecter ou s'inscrire pour poster un commentaire