La justice thaïlandaise a ordonné ce 29 mai un procès contre l'ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra, accusé de lèse-majesté pour des déclarations remontant à neuf ans. L'ancien dirigeant, âgé de 74 ans, se retrouve donc au cœur d'un nouveau feuilleton judiciaire qui rappelle ses deux décennies de frictions avec la monarchie et l'armée.
Il y a neuf ans, alors qu’il était en exil, Thaksin Shinawatra a donné une interview à un journal sud-coréen, dans laquelle il accusait le Conseil privé du roi d’avoir soutenu le coup d'État de mai 2014 qui avait renversé le gouvernement de sa sœur Yingluck Shinawatra. Thaksin a nié les accusations, et a réitéré à plusieurs reprises sa loyauté envers la monarchie.
Le conseil privé n'est pas techniquement couvert par la loi sur la lèse-majesté, mais ces derniers temps, cette loi a souvent été interprétée plus librement, dira-t-on, pour sanctionner toute opinion susceptible de porter atteinte à la famille royale.
Ce n’est pas la première fois que Thaksin se retrouve face à la justice
Thaksin est une figure emblématique de la politique thaïlandaise, et son retour dans le pays l'année dernière avait semblé mettre un terme à l'âpre rivalité politique entre sa famille et l’élite conservatrice et royaliste qui craignait son influence politique toujours forte et son aura de leader populiste.
Il a occupé le poste de Premier ministre de 2001 jusqu'à son éviction lors d'un coup d'État militaire en 2006, et à son retour l’année dernière, après 15 ans d’exil volontaire, il a été placé en détention, puis condamné à huit ans de prison pour conflit d'intérêts, abus de pouvoir et corruption pendant la période où il était au pouvoir.
Sa peine a ensuite été réduite à un an. En février cette année, il a été remis en liberté conditionnelle, après avoir passé seulement six mois dans un hôpital de la police. Thaksin a été très actif ces derniers mois sur le terrain politique, ce qui peut éventuellement avoir énervé ses adversaires.
Un fort enjeu politique
Dans un pays où les juges se plient régulièrement aux aléas politiques, la décision du procureur général de poursuivre l'accusation de lèse-majesté laisse entrevoir de possibles fissures dans le pacte qui a conduit à la réhabilitation politique et au retour de Thaksin au cours des neuf derniers mois.
Or, c’est grâce à ce pacte que son parti avait été autorisé à former un gouvernement de coalition avec certains de ses adversaires politiques, afin d'écarter le jeune parti réformateur Move Forward, qui avait remporté le plus grand nombre de voix et de sièges lors des élections de 2023.
Mais la décision d'inculper l'ancien Premier ministre montre qu'il a encore des ennemis au sein du puissant establishment royaliste thaïlandais.
Et le tout en vertu de la loi draconienne sur la lèse-majesté. La Thaïlande dispose de lois sur la diffamation royale parmi les plus strictes au monde, pouvant mener à une peine d'emprisonnement maximale de 15 ans pour chaque délit.
Plus de 270 personnes ont été inculpées en vertu de cette loi depuis les manifestations de masse qui ont eu lieu il y a quatre ans et au cours desquelles la monarchie a fait l'objet de critiques publiques sans précédent.
Au début du mois, la mort d'un jeune militant thaïlandais en détention provisoire pour lèse-majesté a choqué de nombreuses personnes dans le pays et a relancé les appels en faveur d'une réforme de la justice.
rfi
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