TINDÔDY - DAROU NAHIM / À la découverte des cités historiques de Serigne Modou Moustapha…

Create: sam 28/05/2022 - 08:21
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Tindôdy doit son inscription sur la carte géographique du monde à Serigne Touba qui avait choisi son fils aîné, Serigne Modou Moustapha, l’envoyant chercher, trouver et fonder la cité qui deviendra l’un des premiers villages Mourides connus. Nous étions vers 1914. Le premier Khalife de Touba devait juste marmonner sourates et versets indiqués et s’installer dès que son récital atteignait le vers suivant : « Alaziina Aamanu wa Aminu Saalihaat, Touba lahum wa huznul Mahab »… Depuis, la cité est née … Notre reportage ici à Tindôdy et là-bas à Darou Nahim montrera, à bien des égards, comment des cités anciennes comme celles-ci ont failli rester dans l’anonymat, n’eût-été le dévouement des chefs religieux qui les ont eues sous leur tutelle, tant elles ont été laissées à elles-mêmes, enclavées, oubliées et isolées.

TINDÔDY - Le 1er village mouride ?

our beaucoup, Tindôdy est bien le premier village mouride fondé sous le ndigël de Cheikh Ahmadou Bamba. Nous étions en 1914 lorsque Bamba demandait à certains de ses fils et à l’essentiel de ses cheikhs d’aller s’installer dans des zones jamais habitées par l’homme , d’y élire fief , de cultiver la terre et d’y créer des daara. Chacun était parti muni d’indications claires mais devait , presque pour tous, galérer avant d’atteindre l’objectif fixé. Serigne Modou Moustapha Mbacké, juste âgé de 26 ans, réussit sa mission. Il s’était arrêté juste là où aujourd’hui un de ses petits-fils ( Serigne Cheikh Aliou Mbacké) a construit cette énorme mosquée ; la deuxième plus grande de Touba 104 ans après.

Cent-Huit ans après sa création , Dakaractu a choisi d’aller visiter le village . Pour ce , nous avons eu à nous faufiler dans les dédales obscures de la cité où l’électricité est un privilège non encore échu aux populations déjà installées. Baye Mbaye Guéye, chef de village de son état , n’en revient pas . « Comment peut-on regarder ces milliers de familles sombrer dans l’obscurité, marcher des kilomètres dans des sentiers battus pour joindre la route bitumée ? Comment peut-on ne pas se sentir concerné par les conditions de vie de ces milliers de familles qui ont fui les inondations, la promiscuité pour venir ici espérer vainement de meilleures conditions ?… Serigne Cheikh Aliou Mbacké a fait creuser des forages , a octroyé gratuitement à des pères de familles désemparés des parcelles de terres où ils peuvent habiter , se bat nuit et jour pour que soit bitumé le tronçon Tindôdy - Touba … Que d’efforts pour ce chef religieux ! Nous interpellons les autorités de ce pays car la vie est difficile ici à Tindôdy. En 12 mois, la cité s’est agrandie de manière

Baye Mbaye Guèye de gronder davantage : « Autant dire que les efforts de Serigne Cheikh Aliou Mbacké sont plombés par l’absence de l’État . Heureusement que le chef religieux est encore là. Cette piste s’est déjà dégradée et c’est lui qui l’a refaite en plusieurs endroits et il a dépensé plusieurs millions de francs et mobilisé des centaines de personnes pour les travaux ».

Avec ce nom de Serigne Cheikh Aliou Mbacké qui revient simultanément de la bouche de nos interlocuteurs, l’idée nous est venue d’interpeller directement le chef religieux. Nous l’avons retrouvé dans un daara à environ 03 kilomètres et il faisait environ 22 heures. Vêtu d’un grand boubou blanc et à côté d’une machine impressionnante qu’il a, lui-même, créée de toutes pièces et baptisée « Pivomatique » ( ou Tooy - noor, Tooy - nawétt) , le Mbacké - Mbacké affiche son amour pour l’agriculture mais confirme toutes les déclarations glanées en cours de route. « Tindôdy est effectivement une cité oubliée. Pourtant l’histoire retient d’elle son appartenance à Serigne Modou Moustapha Mbacké et son statut de premier village mouride après Touba ( il fait parti en tout cas des premiers villages Mourides s’il n’est pas le premier) . Tindôdy a d’abord besoin de sortir de son enclavement . Une route bitumée qui déboucherait sur la nationale qui va vers Dahra Djoloff passant par Barra lui ferait énormément de bien et elle permettrait de décongestionner la périphérie de Ndindy et rendrait possible la circulation vers Aaliyah et même jusque vers Louga et l’autoroute. Nous n’avons qu’une seule piste à Tindôdy. C’est quand-même bizarre. Tindôdy, à ses débuts, était des champs. Serigne Modou Moustapha y cultivait et envoyait ses récoltes à son père et guide spirituel. Ses successeurs ( Serigne Cheikh Gaïndé Fatma Mbacké, Serigne Ahmadou Tindôdy) y ont érigé des daara et éduqué les talibés. Serigne Aliou Mbacké , mon père est resté dans le même sillage . Moi aussi, je m’évertue à le faire. Récemment quand je faisais forer un forage, nous y avons trouvé des vestiges , des ustensiles etc… ».

Nous accompagnerons le chef religieux faire un tour dans les environs. Il se désolera de remarquer toutes ces terres non utilisées alors que , selon lui, c’est l’agriculture qui développera ce pays. « L’agriculture mécanisée et programmée toute l’année durant, dis-je », nous signale-t-il. Il’ajoute : « Il fait cependant disposer d’une eau de qualité et en abondance. Cette machine que vous voyez , je l’ai créée en toutes pièces. Elle permet d’économiser l’eau , de la limiter aux pieds des plantes et elle s’écarte toutes les fois que les branches d’arbres s’opposent à sa progression ».

SERIGNE CHEIKH ALIOU MBACKÈ

Comment parler de Tindôdy et de Darou Nahim et faire abstraction de lui ? Ce chef religieux fait partie des premiers à avoir été envoyer à l’étranger pour étudier. Après avoir été à l’école au Sénégal, il est , en effet, parti approfondir ses connaissances en Tunisie et en France. De retour au bercail, Serigne Abdou Lahad Mbacké ( Troisième Khalife mouride ) l’a mis en rapport avec le ministre de l’hydraulique d’alors Samba Yalla Diop. Il a personnellement participé à l’érection de 114 forages du temps d’Abdou Diouf. Il a aussi été à la tête de Maou Rahmati avant de rendre le tablier pour vaquer à d’autres occupations.

Dans la discussion que nous avons eue avec lui dans sa résidence de Darou Khoudoss, le chef religieux est revenu sur l’étape de Maou Rahmati. Nous avons senti frustrations et regrets. « Mon ambition la plus ardente était d’arriver à mettre fin au problème d’eau à Touba. Cette structure m’a été confiée par Serigne Saliou Mbacké . Je suis parvenu , avec le soutien de bonnes volontés , à creuser plusieurs forages, 05 au total. Mais c’était pas suffisant. Il me fallait trouver des fonds pour entamer des travaux et réduire les inégalités et les difficultés fortement ressenties par les populations . J’avais alors initié une émission à la télévision nationale pour demander aux Mourides de participer à hauteur de 500 francs. J’avais baptisé mon initiative ‘´ Télédon ´´. Des saboteurs sont allés dire au Khalife Général d’alors Serigne Sidy Mokhtar Mbacké que c’était de la mendicité. Ils ont ainsi réussi à nous empêcher d’empocher au nom de Maou et de Touba la somme de 1,200 milliard. Tout a foiré. Bizarrement 04 ans , on demande aux mêmes Mourides de verser 1000 francs par mois pour régler les mêmes problèmes et d’autres encore par le canal de ce bon projet appelé Touba Ca Kanam ». Serigne Cheikh Aliou, est-il en avance sur les autres ?

Aujourd’hui, le Mbacké- Mbacké invisible des tribunes a circonscrit ses activités entre champs, daara et OKSI. Ah OKSI ! C’est l’ Organisation Khadimoul Moustapha pour la Solidarité Islamique Internationale. C est une structure qui cherche à promouvoir la solidarité et l’entraide à travers la lutte contre la pauvreté, à améliorer les conditions d’existence des populations par un meilleur accès aux services sociaux de base, à contribuer à la promotion à l’emploi des jeunes et des femmes et le renforcement de leurs capacités par la formation, l’éducation et l’alphabétisation. Cet entretien aura été l’une de ses premières réapparitions sur la scène publique. « J’ai sacrifié beaucoup de choses pour Touba et je regrette rien mais me départir de Maou Rahmati a été comme l’enlever un fardeau » confie notre interlocuteur. Baba, son homme- lige nous proposera de visualiser des photos sur lesquelles le chef religieux est avec des sommités du monde .

DAROU NAHIM… POURQUOI CETTE CITÉ ISOLÉE EST IMPORTANTE SANS L’HISTOIRE DU MOURIDISME ?

« Revisiter l’œuvre et le vie de Serigne Modou Moustapha Mbacké ou marcher sur ses traces sans parler de Darou Nahim n’est pas imaginable »… Les mots sont de notre guide. Pour lui , cette cité fondée par le 1er Khalif mouride entre 1936 et 1937 est essentiellement importante pour les Mourides et pour Touba. La raison est bien simple . Les retombées des premières récoltes que le chef religieux a obtenues dans ce village ont servi à démarrer la construction de la grande mosquée de Touba. « C’est avec ces récoltes que Cheikh Moustapha a commencé la fondation de l’édifice dont la pose de la première pierre avait eu lieu depuis le vendredi 17 dhul - qi da 1530 H (4 Mars1932). C’est aussi depuis cette cité que le fils de Bamba a bataillé ferme pour obtenir l’immatriculation du terrain devant porter l’ouvrage et l’autorisation de construire. L’histoire de Darou Nahim est intimement liée à celle de la grande mosquée » nous souffle à l’oreille un petit-fils de Serigne Touba étonné de sentir que nous ne savions pas tout ce qu’il nous dit .

Darou Nahim est située à moins de 20 minutes de Touba. Elle appartient depuis 2008 à l’arrondissement de Kaël .Entre elle et la nationale 3 , il y’a 03 kilomètres de piste qui rendent moins compliquée l’accès. Rendre moins compliqué l’accès ne signifie pas sortir le village de l’étau. Malgré cette belle mosquée qui trône au milieu et entièrement construite par le même Serigne Cheikh Aliou Mbacké, Darou Nahim est quand-même isolée et dépourvue d’infrastructures.

À part cette mosquée de plus de 150 millions de francs qui sera inaugurée ce vendredi 27 Maï 2022, Darou Nahim se contentera de lister dans son patrimoine un forage qui alimente depuis 1996 la cité et les agglomérations environnantes

Il y’a aussi un collège qui bat de l’aile et c’est tout ! Rien d’autre à remarquer ou qui puisse attirer l’attention du visiteur. Notre guide se s’offusquer . « L’Étata n’a rien fait ici. Quand une ville de plus 86 ans ne peut montrer que ceci, c’est qu’il y a problème » fulminera un de nos accompagnateurs.

BONUS
Cette visite nous aura permis de découvrir des lieux et objets inédits qui sont intimement liés aux quotidiens du premier Khalif Général des Mourides. C’est cette chambre qu’il occupait personnellement à Tindôdy et cet arbre sur lequel il s’adossait lorsqu’il méditait.

Le temps que l’équité sociale et territoriale soit rétablie , ne serait-ce pour la mémoire de Serigne Modou Moustapha Mbacké, Tindôdy et Darou Nahim ne projettent de verser dans aucune forme de grogne par respect au caractère religieux des deux cités.
dakaractu

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