Alors que l’inquiétude quant au risque d’un glissement du calendrier ne cesse de croître, l’Assemblée nationale doit trancher sur les règles qui régiront les prochains scrutins.
Le compte à rebours est lancé. L’Assemblée nationale a ouvert, le 15 mars, sa nouvelle session parlementaire, dont l’objet principal est le vote de la future loi électorale. Sachant que l’on est à moins de deux ans de la fin du mandat de Félix Tshisekedi et que le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’a cessé d’alerter sur les nombreux obstacles au respect des délais constitutionnels.
« Il y a aussi des contraintes d’ordre légal et l’incertitude sur les grandes options politiques à lever dans le cadre des réformes électorales. Si on optait pour un deuxième tour à l’élection présidentielle, cela aurait une incidence sur le budget des opérations. Même le vote ou non des Congolais de l’étranger […], tout cela aurait une incidence », avait prévenu Denis Kadima au moment de présenter sa feuille de route.
Un second tour ?
Plusieurs propositions sont sur la table depuis de nombreux mois, notamment celle du G13, un groupe de députés – dont certains sont aujourd’hui ministres – qui a mené des consultations en vue d’obtenir un large consensus sur les réformes électorales.
Sur le bureau de l’Assemblée nationale depuis le 17 septembre 2020, ce document contient notamment la suppression du seuil électoral – le nombre minimum de voix qu’un candidat doit recueillir pour obtenir un siège de député. Celui-ci serait remplacé par une « condition de recevabilité des listes au pro rata des 60 % des sièges en compétition ». Autrement dit, pour concourir, un parti devra pouvoir présenter des candidats dans 60 % des circonscriptions. Cette mesure est destinée à limiter le nombre de micro-partis.
Parmi les propositions figuraient aussi « le rétablissement du second tour à la présidentielle », ce qui aurait un coût certain et pourrait compromettre la tenue du scrutin dans les délais, ainsi que « la publication des résultats des scrutins bureau de vote par bureau de vote » – une disposition perçue comme une garantie de transparence.
Moins ambitieuse, la proposition déposée en novembre dernier par le député lushois Coco-Jacques Mulongo, issu du parti présidentiel : il souhaite interdire la possibilité de choisir des suppléants au sein des familles des élus. L’idée est d’éviter que des personnalités se présentent à des scrutins de différents niveaux (présidentiel, sénatorial, provincial…) pour ensuite déléguer leurs mandats à leurs proches. Une proposition également formulée par le G13.
Katumbi, ni allié ni opposant
Reste désormais à savoir ce sur quoi les élus de la majorité réussiront à s’entendre. Car du contenu de cette loi révisée dépendra en grande partie la faisabilité – logistique et financière – du scrutin dans les délais.
Le sujet est loin d’être anecdotique. Les partenaires de la RDC, qui craignent un glissement du calendrier, et certains alliés du président Tshisekedi y prêtent même une attention toute particulière. Le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba a par exemple transmis, il y a plusieurs mois, une note formulant certaines recommandations, notamment sur le mode d’annonce des résultats.
Du côté de Moïse Katumbi, dont les relations avec Félix Tshisekedi ne se sont pas améliorées depuis la nomination de Denis Kadima à la Ceni, on dit craindre une loi taillée sur mesure pour le chef de l’État sortant. Ni vraiment allié ni réellement opposant, l’ancien gouverneur du Katanga se retrouve marginalisé au sein d’une coalition où il compte pourtant 70 députés et sept ministres.
La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), avec laquelle Félix Tshisekedi était en conflit pendant le processus de nomination de Kadima, a elle aussi fait part de ses recommandations. Mais, malgré une tentative d’apaisement en novembre, la situation demeure tendue entre le président et les catholiques, ainsi qu’avec les protestants, qui ne voulaient pas de Kadima.
Selon nos informations, des représentants de la Cenco et de l’Église du Christ au Congo (ECC) ont échangé avec le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, quelques jours avant l’ouverture de la session parlementaire, pour insister sur la nécessité d’organiser des élections « crédibles, inclusives, et dans les délais constitutionnels ».
NOUS REFUSONS CETTE POLITIQUE DU FAIT ACCOMPLI QUE LE POUVOIR VEUT NOUS IMPOSER
Sans surprise, l’opposition pro-Kabila reste vent debout contre un processus électoral qu’elle estime biaisé. « Un scrutin présidentiel est comme une compétition, il y a des arbitres, en l’occurrence le président de la Ceni et celui de la Cour constitutionnelle. Tant qu’il n’y a pas de consensus sur le choix de ces deux personnalités, le processus sera unilatéral, estime Néhémie Mwilanya Wilondja, ancien directeur de cabinet de Joseph Kabila. Nous refusons cette politique du fait accompli que le pouvoir veut nous imposer. »
Débats pollués
L’enjeu de la session qui s’est ouverte à Kinshasa est donc majeur, mais les débats pourraient être pollués par une proposition de dernière minute, émise le 18 mars par le député Steve Mbikayi, un transfuge du camp Kabila qui a rallié celui de Tshisekedi. Cet élu, qui revendique pour l’instant vingt signatures sur sa pétition, propose la création d’une quatrième République pour remplacer celle née en 2006, au sortir de la transition qui avait suivi la deuxième guerre du Congo. Parmi les principales dispositions de son projet : le passage à un régime présidentiel, la fin du quinquennat au profit d’un septennat ou encore la suppression d’institutions jugées budgétivores comme le Sénat.
L’annonce du député Mbikayi n’a pas manqué de faire réagir. « Ce sont les mêmes qui, dans l’opposition, critiquaient la neutralité de l’arbitre des élections et demandaient à ce qu’on ne touche pas à la loi fondamentale qui initient aujourd’hui ces manœuvres dont le seul but est l’accumulation des pouvoirs », s’insurge ainsi Néhémie Mwilanya Wilondja.
L’un des principaux alliés de Félix Tshisekedi au sein de l’Union sacrée, qui confirmait plusieurs jours avant cette proposition l’existence d’un groupe de travail sur la question de la révision de la Constitution, assure « que le président n’a pas l’intention de modifier la Constitution ». « Personne n’empêche les députés de travailler, mais dire qu’il s’agirait d’un mot d’ordre du président est faux », conclut un conseiller du chef de l’État.
Jeune Afrique
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