Les Vingt-Sept vont poursuivre les activités de conseil et d’éducation mais n’entraîneront plus de soldats, tout en restant au Mali.
Cela faisait des mois que l’Union européenne (UE) tentait de trouver une solution pour maintenir une certaine présence au Mali, malgré la décision des autorités nationales de faire appel au groupe paramilitaire russe Wagner, arrivé dans le pays fin décembre.
Les Vingt-Sept ont finalement décidé de suspendre les missions européennes d’entraînement de l’armée et de la garde nationale maliennes, tout en poursuivant les activités de conseil et d’éducation. « On arrête » d’entraîner des soldats, « mais on reste » au Mali, a résumé lundi 11 avril Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, à l’occasion d’un conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union.
Réunis à Luxembourg, ceux-ci ont pris acte de cette décision adoptée la semaine dernière par les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’UE. Un consensus qui a eu du mal à se dégager. Certains pays, principalement la France, voulaient interrompre les deux missions qui visent, pour EUTM Mali, à reconstruire les forces armées maliennes et, pour EUCAP Sahel Mali, à renforcer les forces de sécurité intérieure.
D’autres, comme l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne, la Belgique ou la République tchèque, souhaitaient rester ou préserver a minima des activités dans le pays, afin de ne pas laisser le champ libre à la Russie. Un enjeu devenu crucial à l’heure où Moscou brave les équilibres géopolitiques mondiaux avec la guerre lancée en Ukraine.
Depuis le 2 avril, les soldats maliens et les mercenaires de Wagner sont accusés d’avoir perpétré un massacre à Moura, dans le centre du pays. D’après Human Rights Watch, près de 300 civils, dont certains soupçonnés d’être des djihadistes, y ont été exécutés entre le 27 et le 31 mars.
Multiplication des exactions
Dans ce contexte, l’entraînement des forces maliennes est devenu inconcevable pour l’Europe. Certaines de ces activités avaient été de facto suspendues dès le mois de mars par les commandants des missions, en attendant une décision politique de l’Union. « Il fallait éviter rapidement tout risque » de voir des soldats formés par les Européens commettre des « violations des droits de l’homme », explique un diplomate.
L’UE avait demandé aux autorités maliennes de s’engager à éviter toute coopération entre Wagner et les troupes encadrées par les missions européennes. Dans sa réponse, la junte au pouvoir à Bamako a plaidé pour que celles-ci soient maintenues, un signe perçu comme positif à Bruxelles. Mais les garanties offertes ont été jugées « insuffisantes ». L’Europe continuera toutefois d’enseigner aux soldats maliens « les lois de la guerre ». « Il faut que les militaires sachent que la guerre a des lois et des règles du jeu », a expliqué lundi Josep Borrell
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Les Européens insistent sur le fait que cette suspension des activités d’entraînement est « temporaire » et « réversible ». Mais « le constat sur l’évolution de la situation est assez pessimiste », confie un diplomate, au vu de la multiplication des exactions et du refus de la junte malienne d’organiser le retour aux urnes.
Les questions planent même sur la mission des Nations unies au Mali, la Minusma, dont l’enquête à Moura est bloquée par Bamako. « Est-ce qu’on va la laisser aller sur le terrain vérifier ce qui s’est passé ? Ou est-ce que la Minusma va rester enfermée dans ses casernes ? Si c’est pour ça, il ne vaut pas la peine d’y rester », a expliqué M. Borrell. La ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock se déplacera au Mali cette semaine pour faire le point, alors que Berlin envisage de retirer ses soldats du pays.
L’UE veut en tout cas rester présente au Sahel, toujours en proie à des menaces djihadistes, et se déployer davantage dans les pays voisins. « Mais le Burkina Faso vient de subir un coup d’Etat et le Niger ne déborde pas d’enthousiasme à l’idée d’une présence étrangère renforcée », constate un diplomate. De leur côté, les Européens doivent redéfinir leur stratégie à l’égard de cette région clé, dans le contexte du retrait de la force française « Barkhane » et de la task force européenne « Takuba », vécues comme un échec.
Le Monde
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