Le parti d'opposition de gauche Vetevendosje a remporté haut la main les élections législatives de dimanche au Kosovo. Si le mouvement espère constituer une majorité de gouvernement en s'alliant avec les partis représentant les minorités, la personnalité de son fondateur, Albin Kurti, pourrait poser problème.
Un parti de gauche, Vetevendosje (VV), a triomphé aux législatives dimanche 15 février au Kosovo, loin devant la vieille garde des commandants indépendantistes, promettant d'éradiquer la corruption dans le territoire rongé par la pauvreté et l'instabilité politique.
Ce scrutin législatif anticipé, le cinquième depuis la proclamation d'indépendance de l'ancienne province serbe en 2008, était organisé alors que la pandémie du coronavirus s'aggrave.
L'épidémie a également exacerbé les maux économiques et sociaux du territoire comptant 1,8 million d'habitants, où le salaire moyen est de 500 euros environ et où les jeunes, confrontés à un taux de chômage de 50 %, cherchent massivement leur salut dans l'émigration vers la Suisse ou l'Allemagne.
Le mouvement Vetevendosje ("autodétermination") d'Albin Kurti, parti en guerre contre le clientélisme, a manifestement réussi à capitaliser sur la lassitude de la population.
"Cette élection était un référendum sur la justice et l'emploi, contre la corruption et la capture des ressources de l'État", a lancé Albin Kurti dans son discours de victoire. "C'est sans précédent dans le Kosovo d'après-guerre."
Avec environ 48 % des voix, selon les résultats officiels portant sur le décompte de près de 90 % des suffrages, VV a largement devancé ses principaux concurrents.
Le PDK, créé par d'anciens commandants rebelles de la guerre d'indépendance contre les forces serbes (1998-99), a obtenu quelque 17 % des suffrages, tandis que la LDK de centre-droit a recueilli 13 %.
Dans les rues enneigées de Pristina, une foule de partisans d'Albin Kurti ont bravé le froid glacial pour fêter leur victoire dans un concert de klaxons, tirant des feux d'artifice et agitant le drapeau rouge albanais.
Nouvelle génération politique
Les partisans d'Albin Kurti accusent les ex-guérilleros qui ont longtemps dominé le sommet du pouvoir d'avoir gâché les premières années d'indépendance du territoire peuplé à majorité d'Albanais.
"Les gens attendent le changement, ils attendent la fin des problèmes qui nous empoisonnent, comme la corruption et le népotisme", a dit à l'AFP Sadik Kelemendi, médecin, avant de voter. "Il faut aussi qu'on se consacre à la lutte" contre un virus qui a fait plus de 1 500 morts et manque de submerger des services de santé fragiles, ajoute-t-il.
L'ex-rébellion est partie au combat électoral handicapée par l'absence de plusieurs grandes figures, comme l'ancien président Hashim Thaçi, inculpé en novembre par la justice internationale pour crimes de guerre pendant et après le conflit contre les forces serbes.
En face, VV a reçu le renfort de la présidente par intérim, Vjosa Osmani, 38 ans, symbole d'une classe politique nouvelle génération qui a quitté la LDK de centre-droit du Premier ministre sortant, Avdullah Hoti.
Vetevendosje avait fini en tête aux deux dernières législatives mais avait été évincé par des coalitions conclues par d'autres.
En 2020, le gouvernement d'Albin Kurti, tribun redoutable qui a passé deux ans dans les geôles de l'ancien président serbe Slobodan Milosevic, avait tenu une cinquantaine de jours avant d'être renversé.
Cette fois, son mouvement peut espérer constituer une majorité de gouvernement s'il s'allie avec les partis représentant les minorités, qui disposent de 20 sièges sur 120 au Parlement.
Albin Kurti, tenant d'une ligne dure face à Belgrade
Tous ne soutiennent pas la totalité du programme d'un mouvement connu autrefois pour ses manifestations violentes et sa rhétorique anti-occidentale, relèvent les analystes.
Albin Kurti est accusé par ses adversaires de visées "dictatoriales" et de représenter une menace pour la relation privilégiée entre le Kosovo et les États-Unis.
Il a été interdit par les autorités de se présenter personnellement en raison d'une condamnation pour avoir jeté des gaz lacrymogènes à l'Assemblée. Mais aux termes de la loi kosovare, cela ne l'empêche pas de former un gouvernement.
Tenant de la ligne dure face à Belgrade, il aurait dans ce cas à poursuivre un difficile dialogue avec la Serbie, censé normaliser les relations avec Belgrade, qui refuse toujours de reconnaître l'indépendance de son ancienne province.
Plus de 20 ans après la guerre, cette question non résolue est source de tensions dans la région et un obstacle aux rêves d'Union européenne de Belgrade comme de Pristina.
Mais Albin Kurti a prévenu que les discussions avec la Serbie n'étaient pas en tête de son agenda. "Le dialogue est à la sixième ou septième place pour les citoyens du Kosovo. Notre priorité, c'est la justice et l'emploi."
France 24 Avec AFP
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