Au Mali, l’armée et des combattants « étrangers » responsables du massacre de 500 personnes à Moura selon l’ONU

Create: ven 12/05/2023 - 13:16
Author: admin
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Soldats maliens et paramilitaires russes de Wagner sont désignés par de nombreux témoignages, documentant les éxécutions sommaires et les viols perpétrés en mars 2022.

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Sobrement intitulé « Rapport sur les évènements de Moura du 27 au 31 mars 2022 », le document de 41 pages, publié vendredi 12 mai par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, est une terrible mise en cause pour l’armée malienne et les paramilitaires russes de Wagner qui l’accompagnent, présentés ici comme des « personnels militaires étrangers ».

L’ONU y indique en effet avoir « des motifs raisonnables de croire qu’au moins 500 personnes auraient été tuées en violation (…) du droit humanitaire » lors d’une opération militaire menée il y a plus d’un an dans le village de Moura, à une cinquantaine de kilomètres de Mopti, au centre du Mali, par ces forces conjointes. Des agissements qui pourraient, selon le haut-commissaire Volker Türk, constituer des crimes de guerre et, « selon les circonstances », des crimes contre l’humanité.

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Dans le détail, les enquêteurs de la Division des droits de l’homme de la Mission des Nations unies au Mali précisent qu’« il s’agit d’une vingtaine de civils tués le 27 mars par des tirs aériens effectués par les Forces armées maliennes (FAMA) et les personnels militaires étrangers, pour empêcher la population de s’enfuir ». Puis, après trois heures d’assaut dans lequel une douzaine de djihadistes présents en ce jour de marché auraient péri, « au moins 500 individus, y compris une vingtaine de femmes et sept enfants [ont été] exécutés » par les mêmes auteurs « entre le 27 et le 31 mars après que la zone a été totalement maîtrisée ». La mission d’établissement des faits dit disposer des noms d’au moins 238 de ces victimes et avoir « des motifs raisonnables de croire que 58 femmes et jeunes filles ont été victimes de viols et autres formes de violences sexuelles perpétrées par les FAMA. »

« Extrême brutalité »
Au lendemain des faits, l’état-major des armées du Mali avait de son côté assuré avoir mené « une opération d’opportunité aéroterrestre de grande envergure (…) suite à des renseignements bien précis qui ont permis de localiser la tenue d’une rencontre entre les différents katibas (djihadistes) à Moura, fief des terroristes depuis quelques années » et se flattait d’« un bilan très lourd » de 203 combattants des groupes armés terroristes tués. Une version rapidement remise en cause par les témoignages obtenus par la presse et par des organisations de défense des droits humains.

L’ONG Human Rights Watch avait alors dénoncé « la pire atrocité » perpétrée au Mali depuis le début du conflit en 2012, évoquant le massacre d’« environ 300 hommes civils », en grande majorité issus de la communauté peule. Suite à ces « allégations d’exactions présumées commises sur des civils », la justice militaire malienne avait annoncé l’ouverture d’investigations dont les premiers résultats sont toujours attendus.

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Dans les faits, Bamako s’est d’abord employé à empêcher toute enquête indépendante, puis à bloquer la publication du travail de la division des droits humains de l’ONU, dont le directeur, Guillaume Ngefa, a été déclaré « persona non grata » au Mali en février. Si les équipes de ce dernier n’ont pas été autorisées par les autorités maliennes à se rendre directement sur les lieux du massacre, celles-ci ont pu mener 157 entretiens avec des rescapés, des témoins, des personnes désignées pour ramasser et ensevelir les corps, des déplacés, des victimes de viols, obtenir des images satellites et des rapports médico-légaux pour établir le déroulé de ces cinq jours de tuerie à Moura, village passé de l’emprise de la Katiba Macina, affiliée à Al-Qaida, à l’extrême brutalité des soldats maliens et des « hommes armés blancs » qui les épaulaient.

« En leur tirant dans le dos »
Sans les identifier comme les paramilitaires de Wagner mais en rappelant que la junte malienne reconnaît l’arrivée d’« instructeurs » envoyés par Moscou et que le chef de la diplomatie russe a lui-même déclaré que Bamako et la compagnie fondée par Evgueni Prigojine sont liés par un accord commercial, les auteurs du rapport indiquent que ces « Blancs », parlant « une langue inconnue », « faisaient le tri pour déterminer qui était considéré comme djihadiste avant d’orienter les victimes ainsi identifiées vers la direction où les éléments des FAMA les exécutaient en leur tirant dans le dos. »

Dans la même logique d’entrave à la manifestation de la vérité que son allié, le 9 avril 2022, la Russie avait opposé son droit de véto au Conseil de sécurité à la demande d’ouverture d’une enquête indépendante. Depuis, Moscou et Bamako n’ont cessé de dénoncer l’utilisation de la lutte pour la protection des droits humains à des fins politiques. En décembre à Genève, le ministre malien des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, avait ainsi, lors d’une rencontre avec le Haut-Commissaire de l’ONU sur ce sujet, dénoncé « l’instrumentalisation de la question des droits de l’homme pour des agendas géopolitiques de certains partenaires ».

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« Les autorités maliennes tentent d’empêcher la publication du rapport, de minorer son contenu, mais elles n’y arriveront pas. Même avec du retard le rapport sortira », assurait alors une source à Genève. Avec plus d’un mois de retard, c’est désormais chose faite. Toute la question est désormais de savoir quelles en seront les suites judiciaires, notamment au niveau de la Cour pénale internationale (CPI) qui est compétente sur le Mali, et son impact politique, alors que la Mission des Nations unies sur place se poursuit dans un climat chaque jour plus hostile à Bamako.

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