Les Sénégalais devraient connaître ce jeudi le sort réservé par les juges à l'opposant Ousmane Sonko accusé de viols, moment capital dans une affaire qui captive l'opinion et fait monter la tension en vue de la présidentielle de 2024.
Une chambre criminelle de Dakar devrait dire, sauf report, si elle reconnaît Ousmane Sonko, candidat déclaré à la présidentielle de 2024 et adversaire le plus rétif du président Macky Sall, coupable ou non de viols commis entre 2020 et 2021 sur Adji Sarr, une masseuse d'un salon de beauté de la capitale, et de menaces de mort.
Le procureur a requis contre le troisième de la présidentielle de 2019 et président du parti Pastef dix ans de réclusion pour viols, ou au minimum cinq ans de prison pour "corruption de la jeunesse".
M. Sonko, qui n'a pas assisté au procès et s'était retranché à Ziguinchor, n'a cessé de protester de son innocence et de crier à un complot ourdi par le président, qui s'en défend.
L'enjeu est autant criminel que politique. M. Sonko, 48 ans, risque de perdre son éligibilité, déjà compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre.
Depuis février 2021 que l'affaire de viols présumés défraie la chronique, M. Sonko est engagé dans ce que certains appellent un Mortal Kombat, du nom d'un jeu vidéo, pour sa survie judiciaire et politique et contre M. Sall.
Une vingtaine de civils ont été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à sa situation. Le pouvoir et le camp de M. Sonko s'en rejettent la faute.
Le Sénégal, rare pôle de stabilité dans une région troublée sans être pour autant étranger au tumulte politique, a connu de nouveaux affrontements entre supporteurs de M. Sonko et forces de sécurité autour de son procès puis de son retour du sud du pays vers Dakar vendredi.
M. Sonko a drainé des foules de jeunes. Mais il a été interpellé dimanche et ramené de force chez lui dans la capitale où il est bloqué par un déploiement policier massif. Les forces de sécurité ont repoussé depuis, à coups de lacrymogènes voire d'interpellations, toute tentative de l'approcher.
Mardi, il s'est déclaré "séquestré" et a appelé les Sénégalais à manifester "massivement".
Des jeunes ont attaqué les maisons de membres du camp présidentiel et se sont livrés à des saccages. Des représailles ont été conduites contre les biens de membres de l'opposition et du parti de M. Sonko.
Lendemains incertains
Les dégâts sont très éloignés de ce qu'ils avaient été en 2021 peu après qu'eut éclaté le scandale, quand M. Sonko avait été interpellé sur le chemin du tribunal où il se rendait en cortège à la convocation du juge.
Le camp présidentiel accuse M. Sonko de se servir de la rue pour une affaire privée, et de nourrir un projet insurrectionnel.
Le président Sall a promis mercredi la fermeté face aux violences en ouvrant un "dialogue national" censé atténuer ces tensions.
En dehors du sort de M. Sonko, un autre facteur de division est le flou entretenu par M. Sall sur sa candidature ou non à un troisième mandat.
Les lendemains du verdict contre M. Sonko baignent dans l'incertitude. On ignore si la justice ferait arrêter M. Sonko aussitôt en cas de condamnation et si celui-ci parviendrait à mobiliser les foules. Les autorités ont procédé à des centaines d'interpellations parmi ses partisans ces derniers mois.
Le "dialogue" initié par le président a toutefois enfoncé un coin dans le front de l'opposition. Et un certain nombre de Sénégalais expriment leur lassitude d'un feuilleton à rebondissements qui fige régulièrement l'activité.
seneweb
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