Des militaires ont déclaré, mercredi soir, à la télévision nationale nigérienne qu'ils avaient destitué le président Mohamed Bazoum et suspendu "toutes les institutions". Ils ont également annoncé la fermeture des frontières et l'instauration d'un couvre-feu.
Des militaires putschistes du Niger, pays en proie à la violence terroriste et jusqu’alors allié des pays occidentaux, ont annoncé mercredi 26 juillet au soir à la télévision nationale avoir renversé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum, au pouvoir depuis 2021.
Après le Mali et le Burkina Faso, le Niger devient le troisième pays du Sahel – miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique et à Al-Qaïda – à connaître un coup d’État depuis 2020.
"Nous, Forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), avons décidé de mettre fin au régime que vous connaissez", celui du président Bazoum, a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane, entouré de neuf autres militaires en tenue. "Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale".
Il a affirmé "l’attachement" du CNSP au "respect de tous les engagements souscrits par le Niger", rassurant également "la communauté nationale et internationale par rapport au respect de l’intégrité physique et morale des autorités déchues conformément aux principes des droits humains".
"Toutes les institutions issues de la 7e République sont suspendues, les secrétaires généraux des ministères se chargeront de l’expédition des affaires courantes, les Forces de défense et de sécurité gèrent la situation, il est demandé à tous les partenaires extérieurs de ne pas s’ingérer", indique en outre la déclaration.
Par ailleurs, "les frontières terrestres et aériennes sont fermées jusqu’à la stabilisation de la situation" et "un couvre-feu est instauré à compter de ce jour (mercredi) de 22 h à 5 h (21 h à 4 h GMT) du matin sur toute l’étendue du territoire jusqu’à nouvel ordre".
Sur France 24, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Hassoumi Massoudou, a appelé "les officiers factieux" à "rentrer dans les rangs", affirmant que des revendications peuvent "s'obtenir par le dialogue". Se présentant comme le "chef du gouvernement par intérim", Il a par ailleurs affirmé avoir parlé au président Bazoum et a déclaré que celui-ci allait bien.
Chef du gouvernement par intérim, j’en appelle à tous les démocrates, à tous les patriotes, pour mettre en échec cette aventure porteuse de tous les périls pour notre pays. Vive la démocratie, vive le Niger.
— Hassoumi Massoudou (@HassoumiMassou1) July 27, 2023
Journée de tensions à Niamey
La déclaration des militaires est intervenue à l’issue d’une journée de tensions à Niamey, marquée par ce que le régime a appelé "un mouvement d’humeur" de la garde présidentielle qui retient le président Bazoum dans sa résidence officielle depuis mercredi matin.
La déclaration des putschistes semble indiquer que tous les corps de l’armée, de la police, et de la gendarmerie se sont ralliés à la garde présidentielle. Des pourparlers entre le président Bazoum et la garde présidentielle pour tenter de trouver une solution, sans que l’on sache quelles étaient les exigences des militaires, ont échoué.
Avant cette annonce, une médiation ouest-africaine devait tenter jeudi de trouver une solution à ce qui n’était encore qu’une tentative de coup d’État en cours, dénoncée par l’ensemble des partenaires du Niger.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait pu parler avec le président Bazoum pour lui exprimer son "soutien total" et "sa solidarité".
La Maison Blanche a exigé "spécifiquement que les membres de la garde présidentielle libèrent le président Bazoum et s’abstiennent de toute violence", rappelant que le Niger est "un partenaire crucial" pour les États-Unis. Plus tard, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a conditionné la poursuite du versement de l’aide américaine au Niger au "maintien de la démocratie".
Partenaire privilégié
Le Niger est l’un des derniers alliés des pays occidentaux dans une région du Sahel ravagée par la violence terroriste et dont deux voisins, le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des militaires putschistes, se sont tournés vers d’autres partenaires, dont la Russie. C’est en particulier un partenaire privilégié de la France dans le Sahel qui y a déployé 1 500 soldats.
"Au terme des pourparlers, la garde présidentielle a refusé de libérer le président, l’armée lui a lancé un ultimatum", avait déclaré mercredi matin une source proche de la présidence sous couvert de l’anonymat.
La garde présidentielle a dispersé par des tirs de sommation des manifestants favorables au président Bazoum mercredi en fin de journée à Niamey, a constaté un journaliste de l’AFP. Les manifestants tentaient de s’approcher de la présidence où le chef de l’État est retenu quand ils ont été dispersés.
La présidence nigérienne a affirmé que "des manifestations spontanées de défenseurs de la démocratie ont éclaté un peu partout dans la ville de Niamey, à l’intérieur du pays et devant les ambassades du Niger à l’extérieur".
Dans un message publié sur Twitter, et ensuite supprimé, elle avait auparavant indiqué que "des éléments de la garde présidentielle (GP) ont engagé un mouvement d’humeur anti-républicain et tenté en vain d’obtenir le soutien des forces armées nationales et de la garde nationale".
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Des soldats dans des pick-ups équipés de mitrailleuses ont été visibles devant le siège de la télévision publique à Niamey et dans les rues y menant, sans toutefois entraver la circulation, a constaté un journaliste de l’AFP.
L’histoire du Niger, vaste pays pauvre et désertique, est jalonnée de coups d’État.
Depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre : le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mamadou Tandja. Sans compter les tentatives de putsch, nombreuses.
En avril 2022, Ousmane Cissé, ancien ministre nigérien de l’Intérieur d’un régime de transition militaire (2010-2011), avait été écroué pour son implication présumée dans un putsch raté en 2021. En février, il a été relaxé faute de preuves, mais cinq des militaires présentés comme les principaux meneurs de la tentative de putsch de 2021, ont été condamnés à 20 ans de prison.
Avec AFP
France24
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