Départs éloignés des côtes, conditions météorologiques dangereuses, embarcations surchargées… Face à la sécurisation de la frontière franco-britannique, les migrants recourent à de nouveaux moyens d’éviter les contrôles policiers et se mettent de plus en plus en danger dans l’espoir de traverser la Manche.
Mohamed a encore les baskets mouillées. Le regard dans le vide, assis sur une palette en bois du campement dans lequel il vit, il répète les mêmes mots. « J’essaierai à nouveau. J’essaierai jusqu’à ce que j’y arrive. » La veille, le Nigérian, tout juste la vingtaine, a essayé de traverser la Manche pour la deuxième fois, depuis une plage de Calais. « Trop de monde voulait embarquer, c’était impossible de mettre le bateau à l’eau et la police est arrivée », raconte-t-il, l’air désemparé.
Pourtant, après avoir quitté son pays en août 2022 et avoir traversé le Niger, la Libye, l’Italie puis la France, impossible pour lui de reculer devant les trente derniers kilomètres qui le séparent des côtes britanniques. Un sweat floqué aux couleurs du Royaume-Uni sur les épaules, il observe Douvres sur les cartes de son téléphone. « C’est si près. Je suis convaincu que ce sera plus facile pour moi là-bas », lance l’étudiant en ingénierie avec un sourire.
Si dix-neuf personnes sont déjà mortes dans ses eaux depuis début 2024— contre douze pour tout 2023, faisant déjà de cette année l'une des plus meurtrières –, la Manche n’est plus qu’une « petite rivière » aux yeux de Mohamed, qui a déjà traversé la Méditerranée. Comme beaucoup d'autres migrants acculés à la traversée, il se dit prêt à tout tenter, y compris ces nouvelles méthodes qui sont de plus en plus répandues : partir depuis une ville éloignée ou depuis un cours d'eau, sans égard aux conditions météorologiques ou au nombre de personnes à bord de l'embarcation. « Je n’ai pas peur d’y mourir parce que j’ai vu plein de personnes mourir avant. » À commencer par son père, assassiné en septembre 2012 par le groupe jihadiste Boko Haram, devant ses yeux d’enfant. Bloqué à la frontière franco-britannique depuis plus d’un mois, il se prépare à partir 40 kilomètres plus au sud pour sa prochaine tentative de traversée. « J’essaierai depuis Boulogne-sur-mer », glisse-t-il, confiant.
rfi
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