Si les deux principaux ennemis qui s’affrontent dans le nord de l’Ethiopie disent à peu près la vérité, la guerre qui dure et s’étend dans ce pays de 110 millions d’habitants, dont on espérait qu’il puisse tenir le rôle – ironie suprême – de pôle sécuritaire régional, est l’une des plus meurtrières de la planète.
Dans un communiqué daté du 30 août, les rebelles des Forces de défense tigréennes (TDF) – du nom de leur fief régional, structurées autour de l’ancien parti Front populaire de libération du Tigré (TPLF), ayant dominé la coalition au pouvoir durant près de trente ans – ont annoncé avoir récemment tué 3 073 hommes des « forces ennemies », c’est-à-dire de la coalition fédérale gouvernementale, et en avoir blessé 4 473.
En face, les forces loyales au premier ministre, Abiy Ahmed, sont regroupées autour de la portion de l’armée fédérale qui n’a pas basculé côté rebelle, lors du déclenchement de la guerre en novembre 2020. Elles sont appuyées par les effectifs en pleine expansion de diverses milices, groupes paramilitaires et « forces spéciales » de plusieurs Etats régionaux éthiopiens. Et disposent de deux cartes tactiques à abattre en dernier recours. D’une part, de drones, dont certains ont été commandés à la Turquie ; d’autre part, de l’acteur extérieur crucial de ce conflit : l’Erythrée voisine qui serait capable de déployer une vingtaine de divisions en Ethiopie et est déjà intervenue à plusieurs reprises. Selon un bilan donné ces derniers jours par le gouvernement, plus de 5 600 rebelles ont été tués au cours des dernières opérations militaires.
Trois fronts ouverts
Près de 10 000 morts, donc, au total. Ces chiffres ne sont pas invraisemblables, tant est sérieuse l’extension des combats en Ethiopie depuis le début de l’été. Après une phase de progression des TDF, en juillet-août, les loyalistes mènent désormais la contre-offensive. Les combats se déroulent sur trois fronts : est (région Afar), ouest (région Amhara), auxquels s’ajoute à présent un front central en direction de la ville de Dessié, à 400 kilomètres au nord de la capitale, Addis-Abeba. S’il y a quelques semaines, les rebelles espéraient encore percer vers le Soudan, ils restaient bloqués dans l’ouest du Tigré – leur propre région – par une ligne solide de troupes loyalistes et de miliciens amhara, renforcée par un retour, fin août, de troupes érythréennes.
Dès le mois de juin, conscients que le confinement dans la poche du Tigré, avec quatre millions de civils au bord de la famine, électricité et téléphone coupés, signait leur condamnation à terme, les rebelles avaient conçu une manœuvre de contournement de l’obstacle. Entamant une progression vers la région Amhara, ils s’étaient ensuite alliés avec un groupe armé de l’Afar. Fin août, des sources tigréennes estimaient pouvoir monter en puissance le long de cet axe oriental pour couper l’artère logistique vitale reliant Addis-Abeba au port de Djibouti. Des responsables TDF avaient alors transmis des messages au gouvernement djiboutien, affirmant qu’il n’y avait là nulle intention belliqueuse à son égard : la manœuvre, purement tactique, visait à ouvrir un corridor alternatif passant par l’Afar, contigu au Tigré. Il s’agissait déjà d’une solution de repli, alors qu’ils échouaient, depuis juillet, à percer en direction du Soudan.
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