Au Cameroun anglophone, la guerre civile prend les humanitaires en étau

Create: jeu 02/09/2021 - 15:21
Author: admin
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En 2020, jusqu’à l’interruption de ses opérations le 8 décembre, MSF offrait « le seul service d’ambulance gratuit vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept » dans la zone et dit avoir transporté 4 407 patients, dont plus de 1 000 femmes sur le point d’accoucher. Son départ prive ainsi des « milliers de personnes de soins vitaux » dans un contexte déjà éprouvant pour les populations.

Médecins sans frontières n’est pas la seule organisation non gouvernementale d’envergure internationale dans le viseur de Yaoundé. Dans un communiqué publié le 26 août, le ministre de l’administration territoriale, Paul Atanga Nji, a donné un mois aux organisations étrangères travaillant dans le pays pour déposer la liste complète de leurs employés qu’ils s’agissent de Camerounais ou expatriés, leurs contrats de travail, leurs programmes d’activités…

Une demande dénoncée par la société civile. « Nous voulons juste nous assurer qu’elles utilisent un personnel intègre » et ne sont pas, pour ce qui concerne les ONG opérant au Cameroun anglophone, en « collusion avec les séparatistes, ces terroristes », assure une source gouvernementale qui souhaite garder l’anonymat.

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Mais, dans le même temps, de nombreux employés de ces organisations sont régulièrement kidnappés par des « Ambaboys » − surnom des sécessionnistes qui ont nommé leur « pays » Ambazonie. « Le problème est que certains travailleurs humanitaires se sont aventurés sur notre territoire sans nous demander le droit de passage. Ils ont été arrêtés puis relâchés après des enquêtes menées pour vérifier leur identité et leur mission », justifie Daniel Capo, chef adjoint de l’armée de l’Ambazonia Governing Council, l’un des groupes sécessionnistes, qui affirme entretenir « une bonne relation avec les travailleurs » suivant les « protocoles ».

Les humanitaires exhortent les deux parties épinglées pour de nombreuses violations de droits humains à respecter leur « neutralité » et à faciliter leur travail face aux immenses besoins des civils pris entre deux feux. « Ils manquent de nourriture, de produits de santé, de protection… Avec le Covid-19, les fonds ont encore été plus réduits. Les populations sont dans une grande vulnérabilité », déplore Esther Omam, la directrice exécutive de l’ONG camerounaise Reach Out.

« Le plus gros obstacle »
Quatre années de conflit au Cameroun anglophone ont déjà fait plus de 3 500 morts et forcé plus de 700 000 habitants à fuir leur domicile. Sur le terrain, les combats continuent. Selon Carla Martinez d’OCHA, pas moins de 1,15 million de personnes sont aujourd’hui en situation d’« insécurité alimentaire sévère » dans ces deux régions.

« Le gouvernement ne parvient pas à apporter de l’aide à tous ceux qui en ont besoin. Pourtant, ceux qui l’épaulent dans ce travail en fournissant de la nourriture, des vêtements, des soins… sont interdits », s’offusque Ayah Ayah Abine, président de la fondation Ayah. Cette organisation camerounaise, engagée auprès des déplacés anglophones et des réfugiés partis au Nigeria voisin, a été accusée « par les alliés du gouvernement » de ravitailler les « Ambaboys » en armes « sans qu’il y ait un semblant de preuve », clame l’homme d’affaires.

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Fils de Paul Ayah Abine, un ancien député du parti au pouvoir et avocat général près la Cour suprême du Cameroun, passé dans l’opposition et un temps emprisonné, Ayah Ayah Abine dénonce un réglement de comptes politique. Depuis janvier 2020, son compte bancaire personnel ainsi que ceux de la fondation et de son père ont été gelés par Yaoundé et l’ONG a perdu ses nombreux mécènes et partenaires au Cameroun ainsi qu’au sein de la diaspora.

Pourtant, « nous avons soutenu des milliers de déplacés. Nous avons fait onze voyages au Nigeria. Nous avons des images, des factures », insiste Ayah Ayah Abine, qui conclut : « Le gouvernement est le plus gros obstacle pour tous ceux qui font de l’humanitaire dans les régions anglophones. »
Le monde

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